vendredi 8 décembre 2017

Salut les copains… (Johnny Hallyday 1943-2017)

Je n'ai rien voulu écouter. Rien voulu voir. Plutôt attendre de lire. Sans être assailli par les témoignages, archives audio, anecdotes, chromos, micro-trottoirs et autres guimauves saturant ondes et écrans jusqu'à la nausée. Sans être forcé à la compassion. Johnny est mort mercredi 6 décembre et chaque média a rivalisé d'archives pour couvrir l'événement au risque de l'étouffement. Fip elle, sobre et digne, envoie après chaque flash horaire une chanson de l'idole. Cette ponctuation minimaliste de l'antenne permet alors à chacun de se faire ses flash-backs, ses images voire de fredonner tel ou tel refrain, quand bien même, et c'est mon cas, n'avoir jamais acheté un disque de l'artiste ou avoir été le voir en concert. Johnny est mort et il faudrait absolument, là maintenant, tout savoir de sa vie avant que la vie, et la mort, (des autres) reprennent leurs droits. L'indécence est à son comble. Alors que, laissant la fureur agir, il suffisait juste d'attendre quelques heures pour lire calmement l'histoire. Avec une autre mesure et un autre tempo. À sa mesure et à son rythme.




Pour cet événement et, au risque de la grandiloquence, pour ce pan de l'histoire qui s'effondre, j'ai besoin de lire du papier. Même si à 22h, ce 6 janvier, je regarde sur leur site la une de Libé. Et quelle une ! Fidèle à sa légende le quotidien n'a pas failli. Salut les copains a-t-il titré avec une photo N&B de Raymond Depardon de 1967. Même si pour Johnny tout avait commencé avant…

Quel titre mais quel titre. C'est de ça dont j'ai envie de vous parler car de Johnny je ne saurai rien dire. En pied de page, sous le buste de profil de Johnny micro en main, trois mots claquent avant ceux de "Johnny Halliday, 1943- 2017, 18 pages spéciales". Trois mots, Salut les copains, qui, avant même d'ouvrir le journal, disent tout de l'histoire. De l'histoire de Johnny, de l'histoire des copains et en creux de l'histoire d'une époque à travers une émission de radio née exactement en même temps que Johnny naissait au rock n' roll, à la chanson et à la… radio en 1959 sur Europe n°1.

Le génie de ce titre c'est de ne pas l'avoir mis entre guillemets et surtout de ne pas l'avoir mis au singulier. Ce n'est pas Johnny qui parle. C'est la force d'une expression qui a été un véritable marqueur de société. Pour la reconnaissance d'une classe d'âge née du baby-boom d'après guerre (1939-1945). Pour la place qu'elle a prise dans la société corsetée du Général de Gaulle (Président de la République,1958-1969). Pour celle qu'elle a eue dans les programmes de la jeune radio, Europe n°1, qui fait ses vrais débuts en 1955. Salut les copains c'est aussi une façon de parler jeune avec les mots des jeunes. Nommer les adultes de plus de 25 ans les "croulants" et les favoris du hit-parade les "chouchous". De faire du titre un acronyme, "SLC" immédiatement décliné dans l'indicatif de l'émission "SLC- Salut les copains" (1).

Avec ce titre Libé transcende une époque. Fait fi de la nostalgie et donne à ces trois mots une intemporalité définitive (2). La force de ce titre, c'est la force de Johnny. Un ralliement. Une fraternité (masculine et virile). Une légèreté. Plus copains qu'adultes. C'est pour Johnny avoir duré autant que peut l'être un copain une vie entière. Malgré tout. Un copain, des copains éternels. Dussent les copains avoir indéfiniment de 7 à… 107 ans. Dusse le copain faire ses adieux à soixante-quatorze (3).

Dernière minute : J'apprends qu'Alain Trutat (1922-2006), co-fondateur de France Culture, réalisateur sur cette chaîne, créateur en 1969 de l'Atelier de Création Radiophonique (ACR) était le parrain de Johnny… lié à ses parents par le milieu du spectacle.

(1) Et même une marque déclinée en magazine mensuel (éponyme de l'émission) créé en 1962,
(2) Mais qui sont ces titreurs qui titrent "dans" nos têtes ? Il en reste à Libé qui étaient nés en 1959 ou quelques années après ? (Je me renseigne),
(3) J'ai lu aussi en papier, Le Monde, édition datée du 7 décembre 2017, avec un cahier spécial de 8 pages et, en double page de une et de dernière une photo de Claude Schwartz du premier concert de Johnny à L'Olympia en 1961. Relu aussi (sur Internet) le long article qu'avait consacré à Johnny, Daniel Rondeau, écrivain, le 7 janvier 1998. 

Tous les copains et Johnny sur l'échelle
photographiés par Jean-Marie Périer
LE photographe des idoles… des jeunes






















Salut les copains, "Lancée durant l'été 1959 sous forme d'émission hebdomadaire, l'émission passe dès le 19 octobre de la même année à une fréquence quotidienne, du lundi au vendredi entre 17 h et 19 h. Elle aurait réuni jusqu'à 40 % des 12-15 ans" (1). Alors, à ces heures-là quand on est à l'école primaire, au collège ou au lycée comment résister aux sirènes des idoles, des yé-yé, des copains qui vous incitent à chantonner plutôt qu'à faire vos devoirs ? Sonia Devillers dans son émission "L'instant M" a eu la bonne idée, mercredi matin d'inviter Michel Brillié pour évoquer l'émission pour laquelle il a été un des réalisateurs dès ses débuts (player ci-dessous).

Daniel Filipacchi, l'animateur principal de l'émission (2) a raconté cette période de sa vie dans "À voix nue" par Alain Kruger, sur France Culture (23-27 janvier 2012), réalisée par Gilles Davidas qui tout petit déjà écoutait "SLC-Salut les copains" et, dans "Radioscopie" de Jacques Chancel sur France Inter le 15 juin 1973,

(1) Source Wikipédia,
(2) Avec quelquefois son complice Frank Ténot avec qui il animait tous les soirs sur Europe n°1, "Pour ceux qui aiment le jazz", 1955-1968.


3 commentaires:

  1. Bonjour Frañch,

    Une première remarque : je suis étonné du peu de réactivité de vos lecteurs étant donné l'importance des sujets que vous lancez au sujet de l'audiovisuel.
    Les gens souvent amorphes se foutent complètement de la dégringolade de France Culture, de l'intox souvent présente sur toutes les radios qui n'existent que pour nous divertir en utilisant la part de notre cerveau disponible.Votre publication précédant concernant E. Macron devrait pourtant en réveiller plus d'un.
    Les lois et la politique sont faites pour exploiter ceux qui les ignorent ou les comprennent pas.
    Avec mes compliment.
    Un lecteur devenu fidèle.
    Patrick

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    1. Merci Patrick, les commentaires étaient plus nombreux au début de l'aventure de ce blog en juillet 2011. C'est passé de mode. Comme ce sera bientôt passé de mode d'écrire sur un blog tant M. Gallet ne jure que par l'Intelligence Artificielle, s'il pouvait se contenter d'avoir l'intelligence de la radio.

      Merci pour votre commentaire et l'éloge de ma "modeste et géniale" contribution à l'histoire de la radio… Avis de tsunami en cours et mue définitive de la radio de "papa".

      (À suivre)

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  2. Bonjour Fanch,
    je ne suis sans doute plus une lectrice aussi assidue de votre blog car je ne prends plus le temps de sa lecture et ne laisse plus de commentaires car finalement tout est dit et bien dit. Mais sachez quand même qu'il reste pour moi une référence et que je le cite souvent à ceux et celles amoureux de la radio, qui ont envie d'une information fouillée, bien écrite et sensible, drôle et toujours très intéressante. De loin en loin, je reste toute même attentive à vos écrits, mode ou pas mode dont je me contrefiche.
    Super la photo de Salut les Copains, il y a là les 3 premiers "45 tours" achetés par mes parents avec notre premier tourne disque (Johnny, Adamo et Sheila, vite relégués ensuite pour d'autres musiques, mais qui nous avait donné à mes frères et moi, le goût des disques, l'envie de danser et de chanter aussi, insouciants, j'étais petite mais quel souvenir !!) c'est cela aussi votre blog, et c'est précieux, merci donc.
    Nanou

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