lundi 4 décembre 2017

Le poids des mots, le choc de l'info : Le Figaro

Je sais, j'aurais du faire titreur à Libé, mais bon j'ai pas tenté l'affaire. Samedi tout est assez calme. Twitter enfle l'info Obama in the place. Moi je chope celle-là "Audiovisuel public : Macron prépare le big-bang". Le Figaro publie, un samedi, deux pages-choc dans son cahier saumon "Économie". L'article est payant sur le net. Normal. À la médiathèque il semble bien que la moitié de la ville se soit jetée sur le canard. Point de Figaro. Dernière issue, le market où je fais mes courses (jamais le samedi). Il en reste un. Je serai donc celui-là qui casque 2,40€ pour lire le journal de l'avionneur. Enfin le journal, les deux pages saumon surtout.

La double-page du Figaro, 2 décembre 2017


















Ça claque. Neuf colonnes. Des personnages en pied. Des illus. Des graphiques. Quatre femmes. La ministre de la Culture. Les Pédégères d'Arte, France 24 et France Télévisions. Quatre hommes dont le Grand Timonier, Macron. Les Pdg de l'Ina et Radio France. Le Ministre de l'action et des comptes publics (1). Si on est au fait des turbulences et des petits remous qui agitent l'audiovisuel public depuis juin on n'apprendra pas grand chose. Mais les deux journalistes, Caroline Sallé et Enguérand Renault, ont le mérite d'avoir réussi à mettre "les choses à plat" et en perspective et, à faire la synthèse de la situation avant le big-bang ou le trou noir, c'est selon. 

Depuis l'été, le dossier est bien au chaud dans la cocotte-minute du gouvernement. Marc Schwartz est aux fourneaux (2). Y'a l' feu d'ssous. Ça commence à bouillir. Quelques fumées se dégagent. Surtout éviter la surchauffe et l'explosion (3). Quand les vapeurs (des uns et des autres) seront au maximum, la cocotte ne tardera plus à siffler (la fin du match). Alors Macron, d'un geste impérial viendra soulever la soupape. L'affaire sera cuite et à point (nommé). Principe de l'auto-cuiseur, les ingrédients seront réduits, les goûts affadis. La grande question : à quelle sauce seront-ils mangés ?

L'article du Figaro n'arrive pas par hasard. Pas plus que celui du Monde, le 14 novembre (4) qui révélait les réformes de la culture étudiées par le Ministère. Ces ballons-sondes sont des éléments de communication distillés graduellement et destinés à préparer "l'opinion publique" et accessoirement les acteurs concernés. On envoie aussi dans les médias des émissaires zélés à qui l'on demande d'être de bons petits télégraphistes. À ce titre Olivier Schrameck, Président du CSA, pourrait décrocher la timbale ou la palme. Fin septembre de passage à Toulouse il évoque le rapprochement de France Bleu et France 3, facilitant ainsi la tache des deux Pdg concernés qui pourront toujours se ranger derrière un "c'est pas nous c'est lui" (5). Lui Schrameck ou lui Macron suivant comment cela permet de se dédouaner au mieux et de passer pour des exécutants aux ordres. S'agissant d'Ernotte et de Gallet la farce est croquignolesque.

Ces patrons de l'audiovisuel, dont Ernotte et Gallet (encore eux) sont les cadors, ont beau tenter des rapprochements entre leurs structures "en fait, l'État fait tout pour éviter la constitution d'un front commun de ces jeunes patrons.", note le Figaro dans son article. En effet, comment l'État serait-il dupe du zèle opportuniste que déploient depuis 2015 Radio France et France Télévisions après s'être ignorés pendant plus de quarante ans ? Le rapport Schwartz de mars 2015 avait déjà sifflé la fin de la gabegie budgétaire et l'absence de synergies entre les opérateurs audiovisuels publics.



Si j'ai titré ce billet "Le poids des mots…" c'est qu'avec certains d'entre eux, les auteurs de l'article n'y vont pas avec le dos de la cuillère. J'en ai retenu trois qui en disent longs sur la position du Figaro sur l'audiovisuel public. "mammouth", "créature", "gras" (6). Le début de ce big-bang annoncé, les journalistes du Figaro l'ont écrit au début de leur article "Tout se décidera en quinze minutes sur un coin de bureau, un soir, rue Saint-Honoré". Ça va faire très très mal. En mai 68, les personnels en grève de l'ORTF, tournaient chaque jour autour de la Maison de la radio. Ils avaient appelé leur mouvement "l'Opération Jéricho".

Macron lui n'aura pas longtemps tourné autour du pot. Il se pourrait bien qu'en mai 2018 ses trompettes viennent donner envie aux acteurs de l'audiovisuel public de "remettre le couvert" et, pourquoi pas, à nouveau de tourner autour d'une Maison de la radio en pleine mue (7). Ce serait alors sans doute un baroud d'honneur de la radio pour ne pas être noyée avec l'eau du bain… global. 

(1) Françoise Nyssen, Véronique Cayla, Marie-Christine Saragosse, Delphine Ernotte. Laurent Vallet, Mathieu Gallet, Gérald Darmanain.
(2) Directeur de Cabinet de Madame Nyssen, Ministre de la Culture,
(3) Giscard, jeune Président moderne de 1974, bouillait depuis trop longtemps et, voulant en finir une fois pour toutes avec l'ORTF passa, en moins de 80 jours depuis sa prise de fonction le 27 mai, directement par l'explosion. Éparpillées sept sociétés publiques indépendantes dont, quarante-trois ans plus tard, on veut grossièrement recoller les morceaux,

(4) "Musées, archives, spectacle vivant… : les pistes de réforme envisagées pour la culture", par Clarisse Fabre, Le Monde, 14 novembre 2017,
(5) Schrameck, jamais avare de ses soutiens appuyés aux vents tournants de l'histoire a enfoncé le clou la semaine dernière sur France Inter, 
(6) "Le mammouth de l'audiovisuel public pourrait ne pas faire de vieux os", "La créature a fini par échapper à tout contrôle", "preuve qu'il reste encore du gras" [autour de l'os qui est atteint, ndlr],

(7) Dont le dirigeant voudrait tant que ce média ne soit plus distingué d'un média global qu'il appelle de ses souhaits

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