mercredi 26 juillet 2017

Vers Bruce Springsteen : grande traversée… (3/5)

Hier j'ai compris que j'étais né pour courir. Après quoi ? Après les histoires assurément. Comme d'autres courent après la gloire où comme Bruce court un marathon rock n' roll. Au présent, chaque heure de chaque jour. Au moins depuis que Jon Landau (1) a décrété il y a 40 ans avoir vu, en Springsteen, le "futur du rock and roll". 


Sous la carcasse du casino, © Judith Perrignon


Radio Fañch : Quelle place occupe Springsteen dans le Panthéon du rock ou dans la musique populaire mondiale ?
Judith Perrignon : Dans la musique populaire mondiale il a une place évidente. dans le Panthéon du rock je suis toujours surprise de voir que des amis qui aiment le rock ne connaissent pas Springsteen. Je pense que cette chanson 'Born in the USA" lui a fait un mal important et des dégâts très forts. Si toutes les jeunes générations des 20/30 ans réécoutent beaucoup la musique d'"avant", Springsteen n'est pas du tout dedans. Lui, il émerge dans les années 70 et explose dans les années 80, mais il est forgé par la musique des années 50/60. Il veut plus être la "tradition" du rock. Il ne sera jamais une avant-garde, Springsteen. 

Cette musique qui l'a sauvé dans son enfance, il va la défendre à un moment où il faut toujours enterrer ce qui a été fait avant. Il est toujours à contre-courant. Il va prendre partout. Il dessine un chemin de traverse. Il va aimer les punks, la country… Alors qu'Iggy Pop, par exemple, et la marginalité qu'il s'est créé fait de lui une icône, Springsteen lui qui veut s'installer et durer est moins iconique en fait.

R.F. : Pourquoi a-t-il émergé ?
J.P. : Il a une force de travail absolument dingue. Il n'a fait que ça ! Il écrivait des chansons très jeune, il n'a jamais cessé d'écrire d'ailleurs. Tout ce qui n'est pas musique ne l'intéresse pas. C'est un sacerdoce. il est mystique en musique. Ce qui fait la différence avec ceux qui au même âge font un groupe, c'est que lui il vit ça comme une religion.
Suite de l'interview, demain…

L'épisode s'appelle l'Amerloque. On dirait que ça va cogner et pas seulement parce que l'hymne bourrin du prophète Bruce écrase les premières notes du documentaire de Judith Perrignon (2). "Born in USA" ne m'a jamais fait sauter au plafond, quant aux nationalistes on imagine bien qu'ils aient pu exulter ! Mais Judith prévient "En voilà une chanson d'Amerloque. Une que la terre entière a entendue mais pas écoutée. Toutes les antennes, tous les amplis, tous les postes de radio, tous les écrans de l'année 1984 ont craché l'extrait de naissance de Springsteen…" Et Judith d'expliquer que la "photo" n'est pas bonne. Question d'époque effectivement. Elvis pouvait "exploser dans la lucarne des années 50" mais "quand Springsteen débarque sur MTV, le cancer de la télévision entame sa longue phase terminale…" Bien vu… et bien entendu surtout ! Si Reagan même participe de la promo, the dream is over.

But, mais Judith Perrignon pense que collectivement nous n'avons pas voulu comprendre. Et c'est vrai il nous fallait sûrement son regard, son écoute, son empathie pour aller un peu plus loin que le cirque généré par ce tube calibré "blockbuster". L'oublier et filer vers son "Nebraska" à l'abri de la fureur. Reprendre le tempo du hobo et d'un harmonica aux accents dylaniens. Bruce : "Je voulais qu'on entende mes personnages penser". C'est réussi. Ça sonne juste et sincère. En réécrivant l'histoire, Judith nous permet de dépasser la petite surface des choses et nous oblige à plonger dans une forme d'abîme de l'œuvre du Boss. Dans sa propre histoire à côté de celle crue et dévastée de l'Amérique qui bouleverse ses chansons comme autant de chroniques sociales arrachées au réel (3).

Born to run… Et je crois bien entendre Judith chanter. L'art d'être heureuse ! À défaut de n'avoir pu assister, le 29 juin 1985, veille de son Bac, à ce qui aurait du être son premier concert du Boss à La Courneuve…
(À suivre)



(1) Critique musical au moment de sa prophétie de 1974, il deviendra manager de Springsteen,
(2) France Culture, du 24 au 28 juillet, 9h-11h, réalisateur Gaël Gillon,
(3) Et Bernard Lenoir (homme de radio, France Inter) y mit son grain de sel.

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