jeudi 2 mars 2017

La radio… la nuit (on air)

Je m'souviens. Ce devait être en 98. Après le journal de 22h de France Culture. Je guettais, juste avant l'indicatif des "Nuits magnétiques" l'annonce de qui serait l'invité de "Culture matin" le lendemain. S'y préparer. Savourer si ce quelqu'un, ce sujet rejoindrait ma comète ou mon panthéon radiophonique. Ma comète radio mais surtout ma comète existentielle. Régler mon horloge biologique interne et être sûr de me réveiller au son de "Velverde" de Marc Perrone. Encore fallait-il qu'avant l'extinction des yeux, le sujet des Nuits magnétiques ne m'entraîne pas jusqu'à vingt-trois heures cinquante ?


Tangos, l'exil de Gardel de Fernando Solanas © 2017 Blaq Out
















La radio stimulait mes jours et berçait mes nuits. Il y avait tout ET la radio. Et pas une seule journée, une seule nuit sans radio. C'était charnel. Un corps à corps. Un bouche à oreille intime. Un continuum. Ça recommençait au réveil et s'interrompait avant minuit. Le soir, sans parasites autour, l'écoute suraigüe. Fenêtre ouverte, pas si loin, cinq cent mètres à vol d'oiseau, la mer toujours recommencée. Le vent permanent hiver comme été. Et parfois la corne de brume du phare du Four. En position horizontale une écoute pleine. Embarquement immédiat. En cas d'insomnie "Les nuits".

Vingt deux heures vingt, hier soir, regardé un film magnétique sur Arte. My sweet peeper land. Magic. Je ne peux/veux plus dormir. De toutes façons à midi, j'attrape un tweet d'Irène Omélianenko (1) "Dernier appel d'une cabine", création d'Hélène Laurent (réalisation de Gaël Gillon). Je sais que je me jouerai une nocturne radio. "Un voyage nostalgique de cabines hors service en cabines fantômes, de cabines objets d’art en cabines de cinéma, à Paris, à New York, à Buenos Aires…"

J'ai moins besoin de guetter. Entre un programme numérique sur le net. Twitter pour me tenir aux aguets. Et puis comme je l'ai écrit récemment je n'écoute plus la radio, j'écoute des émissions. J'écoute "Dernier appel d'une cabine". Je rentre immédiatement dedans. Un documentaire en mille feuilles, en multi situations téléphoniques, en inserts de dialogues "téléphonés". Au cinéma, en musiques, en témoignages d'artistes. Dans des lieux où les cabines, pour diverses raisons, sont restées des lieux de mémoire.


Dans la sixième cabine, comme le Petit Prince dirait dans la sixième étoile, "la cabine miracle de la gare de l’Est d’où appelaient les exilés sud-américains, cabine devenue célèbre grâce au film Tangos, l’exil de Gardel de Fernando Solanas (1985)…". Hélène Laurent raconte. Des histoires courtes qui font une histoire longue. On est revenu à la création… on air. Pas de chroniqueurs, d'intrusions pour rappeler le nom de l'émission, de direct absolu. Une émission élaborée quoi ! Ficelée, ciselée, contée. Sortie de l'événement permanent, de l'actu chaude, des invités perpétuels, des émissions de bla-bla continu.



Je dois rattraper par l'oreille "À Cherbourg la mer est bleue quand il fait beau". Je dois rattraper les écoutes sensibles qu'a repérées Guillaume Hamon, auditeur émérite. Tout ça en flux le plus possible. Ou en streaming à la nuit venue. Mais pas en podcast. Pas sorties du frigo. M'imposer ce temps nocturne et faire l'effort de veiller au programme. Chercher l'émission. Me faire un pense-bête. Retrouver le tempo de la création radiophonique mariée à la nuit. Rejouer "Anclao En Paris" de Carlos Gardel et s'endormir dessus. 

(1) Coordinatrice de "Création on air" et "Une vie, une œuvre",

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