mardi 13 décembre 2016

Elkabach : ces statues qu'on déboulonne...

C'était pas la Saint-Barthelemy. Juste le dimanche 10 mai 1981, place de la Bastille (Paris). Elkabach (Jean-Pierre) venait juste de blêmir à la télévision pour annoncer les résultats de l'élection présidentielle qui portaient François Mitterrand vainqueur face à Giscard d'Estaing, le président sortant. Le journaliste, grand maître des émissions politiques (Antenne 2), ne cachait plus, depuis longtemps, ses sympathies pour les pouvoirs économiques et politiques de droite, sous lesquels il "officiait" depuis l'époque de Radio Alger en 1960. Ce résultat "inattendu" pouvait l'inquiéter...

Cotta, Levaï, Nay, Elkabach, Carreyroux, Villeneuve.


















Ce soir de liesse, à Bastille, la jeunesse et la "vieillesse" conspuaient le journaliste, symbole définitif d'une télévision et d'une radio d'État aux ordres du pouvoir. Habile, Elkabach eût beau déclarer, 20 ans plus tard, avoir servi d'exutoire à toutes les rancunes, rancœurs et autres compromissions dans lesquelles tant de journalistes s'étaient vautrés, en quoi cela pouvait-il l'exonérer d'avoir choisi son camp, d'assumer ses prises de position partisanes, d'avoir lui-même taillé dans l'or fin sa statue médiatique ? En rien. Sorti par la porte de la TV (1981) il revint par la fenêtre, un an plus tard (1982) à Europe n°1, au purgatoire de l'après-midi pour animer "Découvertes".

Gravissant tous les échelons hiérarchiques au sein de la station, il a fini par affermer la case de l'interview politique du matin à 8h20. Seigneur parmi les seigneurs, recevant jour après jour, année après année, le ban et l'arrière ban de la société du spectacle, médiatique et politique. Caricature extrême de lui-même il rêvait sans doute de mourir sur scène, en pleine interview. Mais, à défaut d'avoir le génie et le verbe d'un Molière, il devait se contenter, servile et matois, de servir la soupe à "son" camp et, de dégommer allègrement  l'"autre" camp, honni et pestiféré. Tout roulait comme sur des roulettes jusqu'à hier matin où Denis Olivennes, Pdg d'Europe 1 décida de tout chambouler.

Out Elkabach en semaine, out Namias (Fabien), directeur général de la station. Olivennes offre un sucre d'orge au premier (deux ITV politiques le samedi et le dimanche à 8h20 (1), et lui laisse l'animation du "Grand rendez-vous", le dimanche à 10h). La case du 8h20 en semaine, au second, qui prend aussi le poste de directeur de la rédaction. Y'a le feu à la bergerie. Olivennes montre, depuis longtemps, son incompétence à renouveler équipes et programmes et tente un dernier coup de chaises musicales internes. Genre de  "remaniement" qui manque d'audace, d'électrochoc et de vision (2).

Ruquier irremplacé, Hanouna incapable de lutter face aux "Grosses têtes", Morandini au placard, ne restait plus au petit timonier qu'à déplacer sur l'échiquier la figure tutélaire d'Elkabach et, d'essayer Namias comme va-tout de la dernière chance. Les sondages de mi-janvier (3) pourraient, plus encore, enfoncer le clou d'un déclin irrémédiable. Pourtant, en fevrier, en "petites pompes" Europe 1 fêtait à l'antenne ses soixante ans. Elkabach, n'ayant pas peur du ridicule, affirma que la rédaction n'avait jamais subi de pressions politiques. 

Ivre ou, frappé d'amnésie, il passait sous silence le limogeage brutal, en octobre 1974, de Maurice Siegel, directeur de la station, et historique directeur de la rédaction depuis sa création. Limogeage attribué à Jacques Chirac lui-même, 1er ministre, qui disait ne plus supporter le persiflage des journalistes de la chaîne. Gaffe ! À trop s'arranger avec l'histoire... l'histoire pourrait bien revenir en boomerang vers un Elkabach qui aurait dû, de lui-même, savoir sortir du jeu ! 

(1) Il "remplace" Wendy Bouchard qui a publié sur Twitter : " Je laisserai ma place ce n'est pas la 1ère fois." 
(2) "les dirigeants d'Europe 1 semblent vouloir se mettre en phase avec le renouvellement politique qui vient de conduire à l'élimination de Nicolas Sarkozy et à la renonciation de François Hollande. Le groupe a jugé qu'il fallait incarner, à son échelle, cette demande de la société française et que cM. Elkabbach n'était plus l'homme de la situation." Le Monde, 12 décembre 2016,
(3) En novembre, selon des données intermédiaires transmises à l'AFP par la source proche du dossier, l'audience d'Europe 1 serait tombée à 7,9% derrière RMC (8,4%), Franceinfo (9,2%), NRJ (11,1%), France Inter (11,6%) et RTL (12,4%)." (Source, L'Express,12 décembre 2016).


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