lundi 18 janvier 2016

Bowie m'a tuer…

Les jeunes générations qui s'inquièteraient de la faute d'orthographe dans le titre, voudront bien lire l'explication ici (1).




Lundi dernier un peu après 8h, un cataclysme s'abattit sur les médias. Plus violemment qu'une météorite sur les Champs-Élysées, la plus belle avenue du monde paraît-il ? Bowie (David) venait de mourir à 69 ans. Passée la stupeur - personne ne voulant y croire, deux jours après la parution de son nouvel album - la machine médiatique s'affola, s'emballa, gerba et mis K.O. debout, l'auditeur, le téléspectateur, le lecteur qui n'eurent d'autres choix que d'avaler la pilule, ou de sortir du monde civilisé au moins 24h.

Exceptionnellement j'écoutais la matinale de France Inter, pour l'invité de 8h20, "Marcel Gauchet". Bien mal m'en a pris ! Il a fallu toute la civilité et la courtoisie de Gauchet pour ne pas s'écrier "Au-secours fuyons !". Tant le philosophe, malmené et interrompu, dût s'insérer dans les méandres des quelques minutes d'antenne disponibles entre les interventions intempestives d'X ou de Y pour témoigner sur la définitive icône Bowie.

De deux choses l'une, face à une telle situation, soit on prie M. Gauchet de revenir une autre fois, soit on l'interview et l'écoute. La très pathétique intervention de Christophe Conte (Les Inrockuptibles), assez désolé de s'"imposer" alors qu'il venait de réaliser un documentaire à la gloire de "l'artiste aux 100 visages", n'aurait-elle pu attendre une vingtaine de minutes pour être diffusée soit dans le journal de 9h, soit dans le "Boomerang" spécial diffusé à 9h10 ? Bien sûr que si, d'autant plus que le dit-Conte sera l'invité sur la même chaîne dans l'émission de 21h ! 

Prenant plus de recul France Info diffusera, le soir-même (17h/20h) depuis la boutique d'un disquaire londonien, 3h de témoignages et de musique. France Musique insèrera habilement dans ses programmes du Bowie un peu jazz, un peu classique et un peu pop…



Sous le prétexte, fallacieux, de ne rien laisser à la concurrence, les journalistes adorant se faire peur, s'agitent et rendent compte d'un événement planétaire comme s'ils étaient "seuls sur le coup" avec le "scoop du siècle". Cette course excitante du "sur le coup" défie toutes les lois de la mesure, du recul et de la distance nécessaires pour rendre compte d'un événement, si planétaire fut-il ! 

Le pompon de la commémo revint à France Culture, qui usant d'une formule inédite et un peu faible, invita, le lendemain matin, plusieurs de ses producteurs-maison à sanctifier Bowie. Le tout chahutant-chahuté dans une matinale, pour une fois culturelle, où il ne fût fait appel ni à Jack Lang - caution définitive de la culture revival -, ni même à je ne sais quel chanteur pré-pubère pour nous annoncer, sentencieux et timide, que sans Bowie il ne serait pas là aujourd'hui. 

Dans ce chaos improbable foutraque et improvisé, Erner (le matinalier) toucha à peine terre. On aura réussi à échapper, grâce lui soit rendue, à une de ses vannes bidons genre "Notre Bowie qui êtes aux cieux" ou pire s'adressant aux producteurs en studio "Donnez-nous (encore) notre Bowie quotidien". Dans ce salmigondis amateur, (Eric Schulthess, lecteur et auditeur de radio, risque de tomber de l'armoire) c'est Brice Coutiurier qui s'en est sorti le mieux. En réserve de compassion dégoulinante, le chroniqueur trouva un angle inédit : "Bowie, un mod dans les années 60" (2). Et c'est bien la première fois que je trouve Couturier pertinent. Loin de sa mécanique rituelle, réactionnaire et lassante de "professeur de maintien moral".
















Mercredi, le tsunami Bowie avait disparu des écrans (3). L'instant trauma digéré (ou vomi), où les médias, comme d'hab', étaient passés à autre chose. Persuadés du "devoir accompli", entonnant "The show must goes on", ritournelle dérisoire et fumeuse. L'instant c'est le bon mot ! Cet instant-là dura 24h, avec une petite queue de comète jusqu'à mardi. Le gavage ayant ici dépassé toutes les capacités humaines d'ingurgiter autant d'infos en si peu de temps, et surtout en si peu de respirations. Cette façon de faire de la radio au chausse-pied est consternante et un désastre pour la pensée.

On se reportera à la spéciale Bowie de Michka Assayas, dimanche 10 janvier ! Et ce n'est pas parce que Bowie "n'était pas encore mort" que son Very good trip n'en était pas moins un bel hommage. Assayas a commencé comme ça "Aujourd'hui on va visiter un monument historique !




Une de Libé du 12 janvier 2016

















On écoutera aussi le "Label pop" de Vincent Théval, hier sur France Musique. On peut parier (j'écris ce billet samedi) que le producteur saura mettre la mesure, l'angle original et un choix étonnant de morceaux qui risquent de beaucoup mieux rendre hommage à Bowie que toute la soupe servie en début de semaine dernière."Bowie a non seulement assimilé les avancées musicales de son époque ou l’influence de styles très différents, mais a aussi puisé ses idées ailleurs que dans la musique." (4)




(1) Inscription sur un mur suite au meurtre de Ghislaine Marchal en 1991. Cette faute d'orthographe a très vite été utilisée par André Rousselet (Pdg de Canal +), avec "Edouard m'a tuer", titre de sa tribune dans "Le Monde" (1994), pour stigmatiser sa rancune contre Edouard Balladur, premier ministre de cohabitation de François Mitterrand, 

(2) Le lecteur passionné par ce mouvement générationnel se reportera au site de la matinale du 11 janvier,
(3) On lira la chronique de Frank Nouchi, médiateur du Monde, dans le journal de samedi 16 janvier, titrée : "Pour Bowie, on fait combien ?",
(4) Sur la page de l'émission,

2 commentaires:

  1. Re bonjour Fanch,
    je suis d'accord avec vous, on nous rebat les oreilles de la disparition de David Bowie et la sincérité des hommages est sans doute discutable, mais pour ma part, je n'arrive pas à me dire qu'il est mort, parce qu'avec lui, disparaît une partie de moi, et cela me fout les j'tons, me rend triste et mélancolique.
    ce qu'il fallait écouter je crois car finalement, il n'y a que cela qui ait un sens, c'est Bowie en concert retransmis par FIP jeudi soir avec des commentaires de Carlotti. C'était super.
    et puis il faut aller voir le film documentaire sur Janis Joplin.
    Notre monde manque cruellement de gens de cette trempe, le contraire du robinet d'eau tiède qui nous arrose.
    j'suis électrique;
    A bientôt
    Nanou

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    1. ;-) Tout ce qui sera dit dans l'apaisement s'incrustera beaucoup mieux dans la mémoire !

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