jeudi 5 mars 2015

L'audiovisuel public prend le car… à Vannes



















Hier M. Marc Schwartz, conseiller référendaire à la Cour des Comptes, remettait à Fleur Pellerin, Ministre de la Communication, son rapport sur l'avenir de France Télévisions, intitulé "Le chemin de l'ambition" (1) Si j'ai pris la peine de lire en diagonale ce rapport de 122 pages (sans les annexes) c'est qu'il y avait de la radio dedans.

"Le manque de coordination [des acteurs de l'audiovisuel public] a trouvé une expression récente lors de l'annonce, à quelques jours d'intervalle, du souhait de Radio France de disposer d'un "service global d'infos en continu qui mélangerait la radio, la vidéo et le numérique", puis de celui de France Télévisions de lancer une chaîne d'informations en continu en numérique, courant 2015."

"Le groupe de travail partage le diagnostic porté par plusieurs interlocuteurs d'une dispersion des moyens publics en matière d'information, qui ne dispose pas… d'une chaîne d'information en continu destinée au public français, il considère que tout projet dans ce domaine ne devrait se concevoir qu'en associant toutes les forces du secteur public, autour d'un projet commun." (2)

À très court terme les deux sociétés Radio France et France Télévisions devront donc se parler, au delà des ronds de jambe, et organiser ensemble la future chaîne d'information en continu. Ça c'est fait !

"Il reste qu'au-delà de quelques exemples, le paysage de l'audiovisuel public reste marqué par une dispersion de moyens, sans stratégie commune, sans synergies et sans coopération éditoriale. Cette segmentation organique… ne permet pas une utilisation optimale de l'argent public, car elle n'autorise pas la mise en commun de moyens ou la constitution d'économies d'échelle suffisantes, dans un environnement où les supports et les médias convergent. Elle affecte la puissance globale du secteur audiovisuel public… dans un monde ouvert et globalisé, où la concurrence des géants issue d'internet est devenue une réalité." (3)

Mais attention le plus stratégique arrive :
"Face aux défis à venir, et aux contraintes croissantes pesant sur les finances publiques, il paraît nécessaire que l'État pèse davantage sur le dispositif des médias de service public. Si tel n'était pas le cas, il sera difficile d'écarter la tentation d'un rapprochement organique entre les sociétés ayant appartenu jadis à la même entité (4). La structuration actuelle qui remonte à l'éclatement de l'ORTF, à une époque où radio et télévisions publiques disposaient d'un quasi monopole, peut en effet être interrogée, à l'âge de la convergence des médias, de la transition numérique et de l'élargissement de l'univers concurrentiel à des acteurs mondiaux venus d'Internet."

On ne peut être plus clair. Il n'y a plus le choix. L'État aura mis 40 ans à comprendre la dispersion des moyens publics et par là la nécessité d'imposer la coordination à toutes les entreprises de l'audiovisuel public. Au-delà de la nomination du futur Pdg de France Télévisions, c'est tout l'audiovisuel public qui entre dans une phase de restructurations-coordination-orientations qui aura des incidences sur la définition même des médias. Tout d'un coup la radio filmée vient de prendre un sacré coup de vieux. 

À cela s'ajoute la redéfinition des métiers, des emplois, des moyens de production attribués à chacun des médias, à la mutualisation des compétences et des moyens, à la définition d'une politique globale de l'audiovisuel public. Voilà bien le genre de projet pharaonique qui va courir sur plusieurs années et qui dépassera, de fait, le cadre temporel étroit d'une mandature présidentielle. L'opposition actuelle entrera t-elle de plein-pied dans cette orientation stratégique ou n'assisterons-nous pas dans deux ans au pitoyable "chamboule tout français" ?

En attendant les futurs responsables de l'audiovisuel public n'ont plus beaucoup d'autres choix que de monter dans le car de la France audiovisuelle. Ils auront quelques larmes d'émotions en regardant la vidéo ci-dessous. O tempora, o mores.
(À suivre… de près)


Merci à Gérard Coudert pour cette vidéo d'avant l'apocalypse…


(1) Et j'apprends ce 8 mars que M. Schrameck, Prédident du CSA n'était pas présent à la remise de ce rapport. Quel cohérence entre la volonté de l'Ètat de voir le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (CSA) jouer pleinement son rôle en direction de l'audiovisuel public et écarter publiquement cette instance lors de la présentation des préconisations établies par le rapport Schwartz.
(2) page 54
(3) page 55

(4) C'est moi qui souligne. Poète, le conseiller référendaire Schwartz qui parle de tentation ! Nous voilà donc dans les jardins de l'Eden audiovisuel. Qui mangera la pomme ? Qui ne l'a déjà mangée ? Qui l'a pourrie ? Qu'on invite prestement M. Giscard d'Estaing à cette reconstitution de ligue dissoute, lui qui fût, dans sa suffisance et sa morgue, le grand acteur de son éclatement…

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