jeudi 10 juillet 2014

Regarde bien, petit, regarde bien…

île de Litiry - Archipel de Molène
© Julien Ogor



















Il est des complicités radiophiles, twittesques, épistolaires qui participent, à la dérobée ou au rythme des fidélités, à vous remuer les méninges (1) et à questionner vos propres engagements ou parti-pris qui s'affirment sur et entre les lignes de votre petite prose cyclique. Dans ma bande j'écoute les avis, les commentaires, les coups de gueule et les félicités qui animent nos interminables conversations sur la radio. Au marché des tripes nous pourrions tenir commerce à Caen. À Caen dira t-on ? Mais pourquoi pas à Garges-les-Gonesses ou sur l'île de Litiry où nous nous réunirons peut-être un jour?

À n'y prendre garde nous pourrions facilement nous laisser aller à la mélancolie, au désespoir ou à un certain aveuglement. Il est bon de se faire secouer le cocotier ou de remettre les pendules (mécaniques forcément mécaniques, hein Marguerite !) à l'heure. Au-delà des aficionados de telle ou telle émission de radio ou de telle productrice-producteur il y a ceux qui, regardant passer les programmes, acceptent le(s) changement(s), les encouragent jusqu'à quelque fois regretter que "ça ne change pas plus souvent" (2). Alors les départs de Radio France de Levaï, Mermet, Veinstein, et Evelyne Adam les laissent froids ou particulièrement dubitatifs. Ces quatre personnes œuvrant à la radio depuis beaucoup plus de vingt ans, sans doute pensent-ils qu'il est temps de laisser la place à d'autres (3).

"Laisser la place à d'autres" serait la formule moins pire que celle qui clamerait au porte-voix "Place aux jeunes" en confondant ostensiblement et "perfidement" - les yeux dans les yeux - animateurs et auditeurs. Clamée cette harangue, il devient plus facile aux directeurs de chaîne d'appliquer la consigne et, sous un parapluie de berger, large et bleu délavé, d'annoncer aux vieux qu'il est temps d'aller voir "Là-bas si j'y suis" (4). Mais voilà, bien que la ritournelle "nul n'est propriétaire de sa case" soit sans appel, quand on a incarné la radio il est bien difficile et douloureux, même s'"il suffit de passer le pont (de Grenelle) c'est tout de suite l'aventure", de ne pas se retourner sur cette grande Maison qui vous a vu exister et rayonner aux ondes radiophoniques.


Lucien Jeunesse, animateur « immortel »
du « Jeu des mille francs »

France Inter







Pour autant, une certaine sagesse, lucidité ou simplement un désir puissant de transmettre serait nécessaire à de nombreux producteurs et/ou journalistes qui, alors, auraient été ou seraient inspirés de préparer leur départ. Sachant que, malgré toute leur attention à "passer le relai", tout ne tient qu'au fil des nominations des Pdg et autres directeurs de chaînes et de programmes. Si M. d'Arvor n'avait pas été reconduit qui sait ce qu'il serait advenu d'Alain Veinstein ? Et si M. Maheu n'avait pas rattrapé par la manche Daniel Mermet en 1989 où serait-il aujourd'hui ? Cette "précarité" du statut à plusieurs variables vaut bien sûr pour le privé où il peut exister autant de brutalité pour se séparer de quelqu'un, même si celui ou celle-ci a fait les belles heures de la station (5).


Alors, au-delà de sa tristesse ou de son dépit, Alain Veinstein aurait peut-être pu, avoir un peu plus de panache, sortir par la grande porte (A) pour, l'été prochain, nous emmener sur les chemins buissonniers de la littérature qu'il défend. Plus facile à dire qu'à faire sûrement, quand, comme savait si bien le dire Robert Arnaut, "Toute une vie avec la radio" devient l'essentiel de sa vie.

(1) Ça y est j'ai le speen, y'a un gros relent de Reggiani qui m'attrape par le cœur… "Fleur de Méninges" (Musique Émile Noël, paroles Moustaki),
(2) Ah ben pas les auditeurs de RMC qui adorent que la grille ne change jamais depuis 10 ans,
(3) Au féminin et au masculin,
(4) Toute ressemblance avec le titre d'une émission de radio serait absolument fortuite,
(5) cf Philippe Bouvard remercié pour son animation des "Grosses têtes" en 2000 et très vite réintégré, son remplacement par Dechavanne ayant été considéré comme un "accident industriel" (sic),

Le titre de ce billet est le titre d'une chanson de Jacques Brel.

4 commentaires:

  1. Bonsoir,
    J'ai cru comprendre que la France dispose maintenant d'un nouveau moyen de diffusion, la Radio Numérique Terrestre. Il y aurait de la place pour bien des radios sur ces ondes...
    Alors, on dit aussi que Radio France boude ce nouvel espace alors même que des auditeurs sont mécontents de l'existant et que des producteurs évincés en restent plus ou moins sans voix...
    Est il possible d'espérer qu'un directeur de Radio France, ayant assez d'ambition, de philanthropie, d'inconscience ou/et de rêves pour ne pas manquer à son devoir d'innovation radiophonique pour investir sur cet eldorado de la RNT ?
    A noter que "France Culture Plus" n'est pas sans intérêt mais c'est quand même un peu sauvage comme absence de présentation.
    A noter également que "France Culture Papiers" tient d'une bonne inspiration mais c'est un peu hors-sujet.

    Philomène

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    1. Bonsoir Philomène,
      merci de votre commentaire,
      le Pdg de Radio France n'y pourra rien tant que le gouvernement français décidera de ne pas s'engager dans la RNT…

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    2. Déjà que la majeur partie de la radio n’a pas sur faire la transition à la modulation de fréquence...

      C’est encore plus vrai pour les bandes internationales (17 25 MHz) où chaque antenne diffuse sur plusieurs millier de kilomètres dont la modulation en amplitude combiné au fréquences VHF rend l’écoute quasi impossible dans nos millieu urbain saturé d’ondes. (sauf si on monte sur le toit des immeubles et encore si les lignes ne sont pas enterré, on est bon l’écoute du 50Hz).

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  2. Petite remarque pour Fanch, c'est pas Garches mais Garges-les-Gonesses. J'ai vécu là-bas, un peu. Heureusement d'ailleurs. On y captait Radio Cité 96 et son émission Alerte Rouge - pour les musiques d'avant-garde ou peu représentées, bref. 96 ou 93, je ne sais plus.

    Quant à la RNT, vaste débat ça encore. En gros, côté récepteur c'est un hybride entre l’ordinateur et le poste de radio, avec le son en format compressé.
    Donc ce n'est plus de la radio, on est dans le podcast, dans l'interactif : écran, texte qui défile etc ...
    Que chacun fasse ses propres programmes, je n'y vois pas d'objection, mais c'est un autre monde.
    Et comme il y a déjà Internet et les ordinateurs - à supposer qu'ils aient encore un système d'exploitation pas trop abrutissant et coercitif - ça ne prendra jamais.
    Sans compter que l'on reçoit ça très mal, que c'est trop cher pour tout le monde, etc etc.
    La RNT est mort-née, ceux qui suivent la chose depuis le début l'ont senti venir, à plein nez.

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