mardi 28 janvier 2014

Toute la musique qu'il aime…

P. Blanc- Francard in Radio Marais
















Après vous avoir proposé la semaine dernière de découvrir le "Father & Son" sur Radio Marais, j'ai souhaité interviewer Patrice Blanc-Francard pour essayer d'en savoir plus sur sa façon de vivre et de faire partager la musique. (4ème émission ce soir à 20h…)

Radio Fañch : Enfant, quelle écoute collective vous aviez à la maison ?
Patrice Blanc-Francard : Je n'écoutais pas la radio des parents, car la radio ne me parlait pas. Avec mon frère, dès 14/15 ans, on écoutait du rock. Dans notre immeuble on croisait un gars qui jouait du trombone, on le voyait filer sur son scooter jouer dans un club "Rue de la montagne Sainte-Geneviève" à Paris. C'est lui qui nous informait sur le jazz. Pour revenir à la radio, je me souviens de Zappy Max que je qualifierai de premier animateur rock n' roll, tellement il avait de l'énergie. Un monde était en train de naître, celui de l'adolescence et ma génération y a participé.

R. F. : Ado, ce qui vous environne c'est surtout le jazz, comment le rock est-il parvenu jusqu'à vos oreilles ?
P.B.F. : À la fin des années 50 on allait écouter Paul Anka, Bill Haley. Mon frère Dominique était plus rock. J'écoutais avec ferveur "Pour ceux qui aiment le jazz" de Ténot et Filipacchi sur Europe n°1. Mais mon déclic pour le rock c'est "Rubber Soul" des Beatles en 1965. En tant qu'ingénieur du son je travaillais de nuit pour la radio à l'Office de Radio et Télévision Française (ORTF). Au début des années 60 nous avions 3 heures de pause la nuit. Je réécoutais tout ce qui était passé dans la journée sur France Inter et j'enregistrais sur bande magnétique ce qui m'intéressait. Chaque émission avait sa caisse en bois avec les disques diffusés. J'y faisais mon choix. Mais pour réécouter il fallait disposer d'un Revox à la maison.

Un Revox des années 60

 



R.F. : Votre culture jazz va t-elle vous servir dans une émission comme "Souvenirs, souvenirs" (1)
P.B.F. : Je crois à la culture. Le jazz vous ouvre à la musique. Le défaut occidental est de mettre la musique dans des tiroirs. Il était facile de faire partager la musique populaire comme le rock. "la beauté nouvelle est toujours laide au départ" disait… Le rock c'était une nouvelle esthétique au milieu des années cinquante. J'ai une manière critique d'écouter la musique. avec Bernard nous étions des égyptologues. Nous allions chercher et prendre dans les disques des choses que personne n'avait pris la peine d'écouter et de diffuser. Au début des années 70, après le trip d'une révolution, nous voulions "recréer" la fraîcheur de ces années de frivolité et d'innocence qu'étaient les années 60. La musique est absolument indissociable de l'histoire. Dans notre émission j'essayais toujours de resituer ce que nous diffusions dans son contexte historique.

R.F. : Je ne me souviens pas que dans vos émissions sur Inter vous fassiez référence au jazz, vous vous "autocensuriez" ou vous attendiez votre heure ?
P.B.F. : Une émission ne se fait pas sans le directeur des programmes, et mon public n'était pas jazz. Ce qui est possible aujourd'hui sur Radio Marais n'était pas possible en 75 sur une radio généraliste. Passer du jazz aurait été à contre-emploi, une erreur qui aurait fait fuir le public. Les genres (et les publics ?) étaient bien plus segmentés hier qu'aujourd'hui. Alors que maintenant se sont les radios qui sont plus segmentées en genres musicaux. 

R.F. À vous écouter avec votre fils sur Radio Marais on sent que vous aimez tenir toute l'histoire de la musique dans une même galaxie. Vous semblez aussi attaché à faire les liens et à montrer les passages d'un genre à l'autre? Pourquoi ? 
P.B.F. : La musique est une manière d'expression. Je pourrais tout à fait proposer une musique qui me fait vibrer comme une cantate de Bach. Nous avons avec Henry une liberté extraordinaire sur Radio Marais. À la radio, comme en classique, le jazz s'est enfermé dans un ghetto. Aujourd'hui, nous sommes à l'air du partage. Les ados et les jeunes adultes sont dans la même situation que les navigateurs du 16ème siècle ils vont à l'assaut du monde et pour cela c'est bien d'avoir des cartes de temps en temps.

R.F. : Après avoir ingurgité, malaxé et digéré autant de musique s'il n'en restait qu'une…
P.B.F. : Je n'accepterai jamais qu'il ne reste qu'une musique. Votre question est mauvaise (rires) parce qu'elle laisserait entendre que tout fini par se mélanger. Ce que je ne fais jamais. La musique c'est comme une mosaïque plus on zoom plus on distingue que chaque carré a sa spécificité. Je ne veux rien séparer. Ce qui m'anime depuis l'origine de ma quête de musique c'est la curiosité.

R.F. : De tous les jobs de votre vie professionnelle quel est celui qui vous laisse le plus beau souvenir ?
P.B.F.: En audiovisuel, les trois premières années de Disney Chanel (97-00) où nous avons voulu sortir de l'image cucul. "Les enfants du rock" (Antenne 2, 82-86) et TV6 (86) ou j'étais directeur des programmes. En ce qui concerne la radio mes années France Inter (73-80). 

Cet interview a été réalisé le samedi 25 janvier par téléphone. Rappelons que sur France Culture en compagnie de Michel Le Bris, à l'été 2009, Patrice Blanc-Francard a co-produit "Les années Jungle", et en 2010, Les années fifties. On attend avec impatience "Les années sixties".

(1) Sur France Inter, 1973, du lundi au vendredi 17h, Bernard Lenoir est programmateur, P.B.F. co-programmateur et au micro,

En 1970 sur France Inter Patrice s'appelait Patrick, surprenant non ?

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire