lundi 6 janvier 2014

La mue…

Studio 102 © RF/Irène Pujol






N'est-ce pas quelque chose qui s'opère lentement ? Un passage ? Une transformation qui essaye de se fondre lentement dans l'existant ? Un bouleversement radical qui ne dit pas son nom ? Aujourd'hui et depuis presque dix ans Radio France a entamé sa mue, presque en douceur mais pas que ! D'abord le numérique, sans alternative, qui a entraîné la refonte des métiers, celle des pratiques et surtout "l'abandon" des savoirs-faire analogiques. Il y a bien eu des mouvements d'humeur, des mouvements sociaux mais rien n'y a fait. Le numérique est à tous les étages de Radio France. Ce qui change radicalement la marque de fabrique de la radio publique et qui renvoie d'un coup les aficionados du son analogique "à l'âge de pierre". Cette "perte" de son a du même coup généralisé la diffusion à l'antenne de voix passées par le "filtre" des téléphones portables, le summum du mépris pour l'auditeur et l'absence totale de professionnalisme de la part de ceux qui, comme Alexandre Adler se foutaient de la gueule du monde, mais n'oubliaient jamais de débiter leurs sornettes.(1) Toutefois la qualité sonore de réception via les téléphones portables et internet est loin d'égaler (c'est un euphémisme) la qualité de réception hertzienne.
 

© Front de Seine












Le deuxième événement qui est aussi en œuvre depuis dix ans ce sont les travaux. Et quels travaux ! J'oserai pour sourire les qualifier de pharaoniques, mais absolument indispensables à la sécurité, aux normes et aux nouvelles techniques d'isolation qui vont permettre, entre autres, de faire bénéficier les studios d'ouvertures sur la Seine sans que cela n'altère la qualité sonique. Outre cette "ouverture" sur le monde, le monde pourra voir du quai Kennedy les studios de France Inter, puis ceux de France Info en attendant sans doute que les autres chaînes en fassent autant. La façade en aluminium à été rénovée, fidèle à l'esprit de son concepteur Henry Bernard. Mais derrière l'aluminium, le verre, les bois du futur auditorium, derrière les portes des "mille" bureaux, des femmes, des hommes accompagnent cette mue, la craignent, la repoussent ou s'y engagent sans état d'âme.
 

Démolition des studios 103 et 104 ©RF



Pour finir de brosser ce tableau il faut ajouter le retour d'Inter dans la ronde prévu en mars. L'adieu à "Mangin" (2) ce lieu improbable où il a bien fallu quand même "faire de la radio" et où France Bleu viendra se loger bientôt, en attendant que de nouveaux locaux lui soient dévolus. On parle d'un nouveau déménagement pour Culture... Cette chaîne était installée, au 6ème depuis les origines, au 9ème et 10ème depuis deux ans. Ça tourne à la Maison de la radio, ça n'en finit pas même de tourner... Le Mouv-ement permanent. Et au plus tard le 7 mars 2014, un nouveau PDG/Pédégère (3) sera nommé-e, et dans la foulée de nouveaux responsables de chaînes. Sûrement pas tous, mais peut-être les plus "exposés" : Inter, Culture, Info, Le Mouv´(4). Alors derrière le bel ordonnancement architectural la mue pose des problèmes humains, qui même s'ils ne s'entendent pas à l'antenne, bruissent dans les couloirs, l'agora ou la tour, là où tout un chacun est en droit de se demander "à quelle sauce vais-je être mangé, promu, déchu, viré, ou porté au pinacle pour quelques, semaines, mois ou années" ?
 

Studio 102



La mue, on pourrait dire "dans l'ordre des choses", annonce aussi le bouleversement de la façon de faire de la radio à l'image -c'est le cas de le dire- de ce que va inventer Le Mouv'. Produire de la matière sonore d'abord pour le web et ensuite la mettre en flux ou pas est un bouleversement absolu. La radio sera un des vecteurs de la diffusion sonore mais plus le seul et surtout plus sur la base de ses techniques propres. Cela aura des incidences sur les métiers, les savoirs-faire, les statuts et sur la matière même radiophonique qui ne sera plus exclusive radio mais multi-média... La "radio de papa" a (sur) vécu. Les anniversaires successifs de Culture, Inter, Maison de la radio (5) resteront des marqueurs du passage d'une époque à une autre...


Studio 104 © RF





Cette mutation en profondeur est très peu évoquée par les médias qui surfent sur des mots : RNT, son binaural, bi-média, radio filmée… Mais la mécanique humaine, celle qui participe de la fabrique radio, qui en parle, qui s'intéresse aux individus, autres que les vedettes permanentes ? Qui prend le temps d'écouter, voir, confronter toute la chaîne de fabrication d'une radio moderne ? Qui dépasse l'événementiel, le pipole, le buzz, l'effet d'annonce ? Les métiers changent, les techniques évoluent, l'écoute radio elle-même est démultipliée grâce à de nouveaux supports, mais qu'en sait-on du point de vue de ceux qui la pensent, la créent, la diffusent cette radio de l'ère du numérique-roi ?  Les sociétés en mutation ont toujours été analysées à chaud et à froid. Il serait temps de mettre sur le métier la mutation de la radio et d'y regarder au-delà de sa fonction initiale de diffuseur de programmes.

Les témoignages des acteurs, ceux qui ne sont pas au micro, sont assez rares. Il a fallu le "Lulu" de Yann Paranthoën pour découvrir un peu du métier des femmes de ménage de la maison de la radio. Il a fallu que Daniel Mermet évoque au cours d'une de ses émissions le travail de l'ingénieur du son Guy Senaux. Que Katleen Evin évoque celui de la réalisatrice Adèle, et que Jean Lebrun donne la parole à Maryse Friboulet. Mais encore…

(1) Sur France Culture dans la matinale de Nicolas Demorand et d'Ali Baddou,
(2) Immeuble "Rue du Général Mangin", à deux pas de la maison ronde,
(3) À moins que Jean-Luc Hees, actuel Pdg, dont on ne sait toujours pas s'il a fait acte de candidature à sa succession,
(4) Nouvelle grille à partir de ce jour,
(5) Avant celui de France Musique prochainement,


Toute cette semaine des rediffusions pour me permettre quelque repos…

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