mardi 15 octobre 2013

Non Jeff t'es pas tout seul…

Kessel en Afghanistan








La semaine dernière j'évoquais dans "Le reportage c'est la vie" comment Joseph Kessel et Robert Arnaut avaient magnifié ce genre de narration, par l'audio pour Arnaut, par la littérature pour Kessel. J'ai pris le temps de regarder en intégralité les deux reportages d'Igor Barrère en Afghanistan (1). Si les images sont intéressantes d'un point de vue géographique et historique, elles sont loin de sublimer le texte et la parole de Kessel. On pourrait tout à fait écouter ces reportages sans image. Ce qui frappe au premier abord, c'est la facilité avec laquelle Kessel décrit ce qu'il voit, ressent et interprète. 

Le reportage en lui-même devrait être enseigné dans les écoles de journalisme et surtout être comparé à ce qui ce fait aujourd'hui en matière de reportage audio-visuel. En 1967, on voit Kessel prendre le temps de raconter, de digresser, de s'évader sans que la caméra ne change sans cesse de plan ou que le conteur disparaisse en voix-off. Cette façon de filmer met Kessel au centre du reportage et insiste sur sa parole. Kessel est avant tout un conteur. On peut bien imaginer qu'en l'absence de caméra il aurait su trouver les mots justes pour nous faire voir ce qui nous était invisible. C'est ce qu'il fît dans ses romans, et particulièrement peut-être dans "Les cavaliers".

Il faut voir ces deux reportages qui, paradoxalement avec l’avènement de la couleur, marquent la fin d'une époque qui prenait le temps du récit pour décrire un parcours de vie ou une action sur la longue durée. Je ferai l'expérience de réécouter (sans voir) les deux films d'Igor Barrère. Je crois qu'inévitablement je serai dans la même situation que  les samedis après-midi de France Inter où Robert Arnaut nous racontait son Afrique. Si Kessel ne se situe ni en journaliste ni en romancier, il incarne ce qui a complètement disparu à la télévision et existe très peu aujourd'hui en radio : le conteur (2). Comme si prendre le temps de raconter ne correspondait plus du tout au mouvement perpétuel de l'agitation de la société, qu'elle soit civile ou médiatique.

Prenons donc le témoignage de Kessel comme une leçon d'humanité et une leçon d'histoire, qui en deux fois quarante-cinq minutes stimule l'imagination, et mieux, donne envie de s'intéresser au sujet, quand tant de reportages télévisuels depuis 1980 (et l'invasion de l'Afghanistan par l'URSS) ont eu bien du mal à sensibiliser l'"opinion".

(1) Coffret Ina "Joseph Kessel  :  "Voyage en Afghanistan", 1 DVD comprenant les 2 reportages d'Igor Barrère + un épisode de "Lectures pour tous" sur"Le Lion", 1 CD audio "Les cavaliers" entretien avec Claudine Chonez,
(2) Voir la très belle série d'André Voisin : les conteurs,



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