mercredi 6 mars 2013

C'que c'est qu'la renommée…

© Radio France





Certains l'appellent Gégé et il suffit qu'il se confie pour que ça prenne immédiatement des dimensions con-si-dé-ra-bles. Il a les épaules très larges, alors peut pas se contenter de causer dans le poste, on l'imprime sur du papier. Et pas n'importe quel papier. France Culture Papiers (1). Donc voilà Gérard Depardieu qui, au micro de Jean-Michel Djian (2,) passe la semaine "À voix nue". Précisons que ces entretiens ont eu lieu avant le grand cirque médiatique de début d'année.

Bon, Gégé aurait donc un rhume (et il renifle beaucoup au cours de ces entretiens), mais il s'exprime calmement et avec profondeur. Le "brave homme" cite Giono et son "Chant du monde", rien moins, alors forcément ça me touche, car ils sont de plus en plus rares ceux qui citent encore Giono aujourd'hui (3). Il ne cite pas exclusivement l'homme de Manosque, et l'on sent qu'il aime, qu'il vit avec la littérature. (Euh, M'sieur Djian pourquoi ne lui avez-vous pas tendu un mouchoir ?). Gégé semble aussi à l'aise avec Saint Augustin, qu'il lit à hate voix, qu'avec Marguerite Duras…

C'est assez fort d'annoncer, citant Peter Handke : "Je ne sais rien de moi d'avance, mais les aventures m'arrivent quand je les raconte". C'est une très belle façon d'installer sa propre histoire. Depardieu est assez émouvant avec ses souvenirs, les simples, comme quand il découvre la mer, ou quand "les montagnes entre Sisteron et Digne font peur". Plus surprenant Gégé admire aussi les grands hommes de police et… Jean Daniel (4).

Et si Claude Régy (5) lui "a apporté la capacité de justifier [ses] silences (6), de vivre [ses] temps, à développer la présence…", il lui a aussi "appris le théâtre de gros plan". Et nous "saute aux yeux" ses figures de "composition", son "théâtre expressif", son vécu et ses intuitions qui ressortent et débordent là. Dans "Quand j'étais chanteur" (7), Depardieu suggère que "C'est la vie, c'est l'authenticité". Saurait-il donc faire d'une histoire simple un principe de vie ? Depardieu, qui passe en revue bon nombre d'artistes dans tous les domaines, fait ce rapprochement surprenant "Il suffit de regarder Michel Simon et on a tout Céline !" Il y aurait beaucoup d'autres choses à citer tant Depardieu semble se livrer sans gêne, en confiance, sans même en rajouter. 

Pourrait-on dire qu'au cours de ces cinq entretiens il a été "nature" et pas trop en représentation ? Que cela pourrait tenir à sa complicité avec Djian ? Mais si cela tenait aussi au fait que, pour "une fois", on ne le voit pas ! Toujours est-il qu' "À voix nue" était sûrement la bonne émission pour lui permettre de se "dévoiler", sans qu'il se sente obligé de jouer ou de masquer… Qu'on se le dise, j'ai écouté Gérard Depardieu (8), sans une seule fois le superposer à un des doubles, triples ou quadruples de lui-même. J'ai été bluffé et assez séduit. Alors, peut-être que si vous y allez en mettant de côté ses excès, vous prendrez un certain plaisir à entendre des choses inattendues ? Vraiment.

 (1) Dont le n°5 vient de paraître (Bayard), avec rien moins que vingt-cinq pages qui reprennent l'intégralité des cinq épisodes d'"À voix nue",
(2) Rédacteur en chef de la revue FC Papiers, 
(3) Et Gilles Lapouge n'est plus sur France Culture pour le faire, 
(4) Co-fondateur du Nouvel Observateur et toujours éditorialiste à cet hebdo, propriété de Claude Perdriel,
(5) Metteur en scène de théâtre français,
(6) Peut-être saura t-on, à suivre, qui lui a appris ses coups de gueule tonitruants ?
(7) Film de Xavier Gianolli, 2007, metteur en scène "Pialatisant" dixit Gérard,
(8) Les cinq épisodes en continu.

Les players s'ajouteront sur ce billet, au fur et à mesure, de la diffusion de chacun des épisodes.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire