vendredi 15 mai 2015

An cher… (lot 251)


















Radio France : vente aux enchères de plus de 500 lots de matériels réformés le 7 juin (1). Le communiqué de presse est tombé mercredi. Dans ce communiqué c'est le mot "réformé" qu'on prend à l'estomac (2). Surtout si on le superpose au récent mouvement social qui portait en filigrane la "réforme" des personnels. Radio France n'en finit pas de muer. Et jusqu'en ses racines. Le matériel c'est forcément une époque, des techniques et des hommes pour le faire fonctionner. Si le matériel est jugé "Bon pour la réforme", les techniques et les hommes vont suivre. Pour eux pas d'enchères. Mais la casse. La casse qui, en langage managérial tendance s'appelle "Plan de départ volontaire".

S'il n'y avait eu ce mouvement social de mars et d'avril provoqué, entre autres, par le management de Mathieu Gallet, Pdg de Radio France, cette vente aux enchères publiques aurait pu revêtir un caractère patrimonial. Au lieu de quoi son caractère symbolique ne peut ici échapper à quiconque veut bien aller voir un peu plus loin que le bout du micro dont pas un seul n'est d'ailleurs mis en vente le 7 juin. C'est aussi la forme de "déballage public" qui surprend. Si même Radio France va jusqu'à faire un "vide-grenier" c'est qu'on est pas loin de racler les fonds de tiroir. Et pourquoi pas une vente de charité où Fleur Pellerin, ministre de la Culture et de la Communication ferait tout son possible pour surenchérir sur le lot 346 ? Soit la console qui a servi au Pop Club de José Artur. Dans son salon privé se serait du plus bel effet, non ?

Ni qui que ce soit à Radio France, ni l'organisateur de la vente n'ont un seul instant imaginé, passé l'anecdote Artur, que ces matériels pouvaient avoir une histoire. Une petite ou une grande. "Objets inanimés avez-vous donc une âme ?" Et pourtant ils racontent aussi l'histoire de la radio publique. Celle qui ne se dit pas et qu'il conviendrait pourtant d'entendre avant qu'elle ne s'écrive peut-être un jour. À ce catalogue glacial il fallait un supplément d'âme. Mais demande-t-on aux bouchers des abattoirs d'en avoir un ?

J'ai demandé à un pote d'essayer d'emporter le lot 251. Car "ce jaune et ce bleu" je l'ai entendu dire par Colette Fellous (France Culture), par Janine Marc-Pezet (Radio France-Ina), par Gilles Davidas (Radio France). C'était pas un code. C'était des mots de travail. Des mots simples. Des mots de bande(s). Des mots magnétiques. Des mots repères. On pourrait même maintenant dire des mots d'époque. 

L'époque, elle, n'est plus au jaune ni au bleu. Et on ne sait pas trop dire de quelle couleur elle est.

(1) En ligne le catalogue

(2) Même, comme le fait remarquer Gérard Coudert dans le commentaire ci-dessous, s'il est annuellement procédé à une réforme du matériel obsolète, ce serait bien la première fois qu'elle soit rendue accessible au grand public par l'intermédiaire d'enchères publiques avec autant de publicité. Cela renforce d'autant son caractère symbolique vis à vis de l'époque choisie pour la mettre en œuvre. À bon entendeur…



in La maison de la Radio, mai 2015

2 commentaires:

  1. Gérard Coudert16 mai 2015 à 03:28

    A noter cependant que la mise à la réforme du matériel obsolète existe depuis toujours à Radio France, et qu'il vaut autant le vendre aux enchères ou parfois à l'Euro symbolique à des associations plutôt que de l'envoyer à la casse ! Par ailleurs, que l'on se rassure, il existe un musée à Radio France accessible à tous ( http://www.radiofrance.fr/l-entreprise/histoire-de-la-radiodiffusion/musee-de-radio-france ) et la radio n'a pas encore perdu sa mémoire !
    Jaune, bleu... il y avait aussi du vert selon la vitesse de défilement et même du rouge et blanc. Ce qui est amusant, c'est que lorsqu'on fait du montage numérique, on dit encore que l'on met un bleu au début, un jaune à la fin : les hommes ne changent pas, le matériel, si ! Et heureusement... Mais l'on se sert encore dans certains studios du Mélodium 42B à ruban et d'amplificateurs à lampes.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est vrai, pour ce qui concerne "la réforme du matériel obsolète" j'aurais pu mettre une note de bas de page. Je me suis attaché à réagir à l'effet conjugué des enchères de l'"obsolète" et des 28 jours de grève. Pour l'histoire immédiate c'est symbolique et beaucoup plus important que l'annualité de la réforme faite d'habitude sans tambour ni trompette… Je persiste et je signe.

      Merci pour les précisions des couleurs de repères sur la bande. Si j'ai retenu "le jaune et le bleu" c'est que je l'ai entendu dire comme ça à plusieurs reprises avec un vrai plaisir de s'en souvenir pour ceux et celles qui en parlaient.

      Supprimer