samedi 4 avril 2015

Ô temps suspend ton vol…

On ne s'habitue pas. Ces voix absentes. Ces repères. Ces dialogues entre elles et moi. Entre ces voix et nous. Cette petite musique qui tourne, cadencée depuis des mois, des années. Ces habitudes réconfortantes. Ce silence irréel qu'il a bien fallu combler. On ne s'habitue pas. On grogne. On peste. On tente des amalgames odieux. On perd la raison. On crie "Revenez". Ils crient "On est mal". On cherche à comprendre. On écoute les autres. On lit l'illisible. On entend l'indicible. On joue à l'enfant gâté. "Je paye moi Monsieur". On tente d'autres fréquences. On se bouche les oreilles. On prend la musique. Toutes les musiques. Mais là, là et là elle manque la voix. Elles manquent les voix. On ne vous entend plus. Ils ne crient pas. Elles ne hurlent pas. Ils parlent. D'une parole enfouie. D'une parole profonde. Ils parlent comme ils ne se parlent plus depuis des années. Ils parlent fort. Ils parlent clair. Ils parlent juste. Ils n'écoutent pas. Ils ne veulent pas entendre. Ils jouent une autre partition. Cynique, glaciale et mécanique. Ils rompent le fil. Ils cassent l'histoire. Ils éliminent les parasites. Ils plient les reliefs. Ils enterrent l'humanité. L'humanité de faire ensemble. L'humanité de courir le monde. L'humanité de résister. Ils remettent à plat et ils écrasent tout. Jusqu'à la dignité. Jusqu'à la joie. Jusqu'au partage. Ils font. Ils savent faire. Ils transmettent. Ils remettent sur le métier. Ils cherchent. Ils trouvent. En face, des murs. Des chiffres. Des colonnes. Par deux. Du mépris. Par trois. De la morgue. Par quatre. Du dédain. Par cinq. On ne s'habitue pas. Ami entends-tu. Ces voix absentes. Cette fabuleuse cosmogonie des voix. Cette tour de Babel. Cette maison ronde. Ces ondes en myriade. Ce fil de l'eau. Cette belle équipe. Ces mots pour le dire. 
Silence radio.

2 commentaires:

  1. oui, un vrai manque, des voix qui tissent nos quotidiens et nous élèvent en rendant nos vies plus vastes et plus réfléchies

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  2. très beau texte Fañch. Oui ces voix nous manquent. Il y a la réécoute ou podcast.... mais c'est pas pareil. D'abord parce que pour moi la radio c'est toujours mon transistor, et j'aime cette idée que nous sommes, eux et moi, au même instant chacun d'un côté du poste.

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