mardi 19 novembre 2013

(Se faire) à voir…

Belle radio… ©Pure




Quand la presse n'agite pas le hochet "de-la-nomination-du-Pdg-de-Radio-France" elle se rabat sur celui de la "radio-augmentée", du "second-écran" (sic) ou bien encore de la "radio-filmée". Et ça mouline, ça papote et ça glause, des fois qu'on pourrait continuer (le plus longtemps possible) à balader le lecteur, de la technique au progrès, sans jamais passer par la case contenu(s)… augmenté(s), et pas seulement d'images (1). L'hebdomadaire culturel autoproclamé "de référence" n'a pas manqué la semaine dernière de s'engouffrer dans la brèche et de tirer quelques plans sur la comète, tout ça parce que Europe 1 diffuse 14h de vidéo par jour, que RTL s'essaye au "second écran" et qu'il va y avoir des caméras dans les nouveaux studios de France Info. Et alors ? Vous pouvez toujours attendre de la presse un développement sur le sens, proclamé ou caché, d'une telle évolution ou sur ce que cette démarche va apporter à l'écoute, vous ne l'aurez pas ? La seule question que la journaliste ne pose pas est "Qui regarde les images de radio aujourd'hui et comment ?". Pourtant ledit hebdomadaire, avec un socle de plus de 550 000 abonnés, aurait de quoi nous renseigner qualitativement. Mais il faut bien se rendre à l'évidence, l'époque où Télérama interrogeait et fouillait les pratiques culturelles des français est absolument révolue. 

Le prime-time radio (7h-9h) est majoritairement écouté dans les voitures. Ils feront comment les automobilistes pour regarder les images qui bougent ? Et ceux qui déjeunent, se douchent, torchent le petit, se maquillent ou cirent leurs baskets comment feront-ils pour se concentrer sur les images ? Pourquoi la journaliste ne nous dit-elle pas comment elle-même a pu apprécier cette radio filmée, qu'est-ce que ça apporte au contenu, si c'est pertinent ou pas ? J'ai regardé une nouvelle fois la matinale de Laurent Bazin (RTL) et n'ai pu que me désespérer de voir des images en plans fixes ne strictement rien apporter aux informations… entendues. Il en va de même pour Europe 1 qui, malgré ses choix de filmage "mis en scène", n'apporte rien au fond. Parler dans ces deux cas de "radio augmentée" c'est se foutre de notre g… Mais on peut parler sans risque de se tromper de "radio diminuée". Diminuée de la puissance évocatrice de la voix. Les Chapus, Paoli, Arnaud et même Farkas… (2) doivent au minimum sourire d'un tel ramdam médiatique et peut-être penser : "Tout ça pour ça". En effet, se servir de l'image d'une façon si didactique jette aux orties tout ce que le cinéma a permis de comprendre par la suggestion et non par l'illustration en pléonasme de ce qui se dit ou s'évoque. 

Mais qu'en pensent les auditeurs ? Qui voudra bien les interroger ? Quels retours les radios privées en attendent-elles de cette radio filmée, au-delà de la reprise des interventions ponctuelles de tel ou tel invité ? C'est là qu'un hebdomadaire culturel aurait un rôle à jouer ? Les Inrocks, Le Nouvel Obs s'y frotteront-ils ? Rien de moins sûr. Quant aux Échos pertinents sur l'analyse de l'évolution technologique on attend leur analyse des effets sur les contenus comme sur l'auditeur. À moins que l'on assiste le 25 novembre, à l'occasion des "Assises de la radio", à une table ronde qui, au-delà des patrons de chaîne et des publicitaires, ferait entendre le point de vue des producteurs et des auditeurs. Cette écoute (et ce parti-pris) des auditeurs c'était la mission que s'était assignée autrefois Télérama. Cela donnait du sens à la publication et mieux encore faisait référence. 

Demain, un très beau projet de radio augmentée…

(1) Ah j'oubliais, aujourd'hui c'est le hochet sucré-salé de Médiamétrie, audiences radio
(2) Journalistes à RTL et Europe 1.

3 commentaires:

  1. Le match de football Ukraine France version " radio filmée " sur RTL ç'est : un studio plongé dans une pénombre éclairé par deux écrans de télévision . Des silhouettes qu on devine à peine, assises et de dos - des journalistes probablement - regardent le match sur un écran .
    C'est saisissant et rien que pour effectuer une capture d'écran je vais y retourner dès ce soir.
    Ce fut ma première et dernière expérience de "radio filmée" .
    J'aime pas la radio lorsqu'elle s'excuse d'être la radio .
    Yves

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  2. Bravo pour ce billet, et pour son titre !
    D'ailleurs je discutais avec mes enfants plantés devant une chaine télé d'info continue : mais en quoi l'image ajoute-t-elle de l'intérêt à l'écoute du son de cette chaine ? Nous sommes tombés d'accord : rien. Donc diminuons la télé plutôt qu'augmenter la radio :)

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    1. Merci Klint, bien vu pour la TV, mais même diminuée celle-ci poursuivra son lavage de cerveau… disponible.

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