lundi 25 novembre 2013

Filmer (très mal) la radio ou la négation de l'image des voix…

"Carton" d'interruption momentanée de l'image




Jeudi dernier, deux jours après avoir écrit mon point de vue sur le filmage bidon de la radio, j'ai remis sur le métier le sujet et me suis astreint à "regarder" à nouveau la matinale de RTL. Comment quelqu'un a t-il pu décider de filmer à ce point le néant ? Ces sessions seront à montrer dans les écoles de journalisme et feront sans doute pleurer de rire les étudiants qui, meurtris à force de se pincer, seront bien obligés d'admettre qu'en 2013 filmer la radio, c'est avoir renoncé aux partis pris image, mouvement, cadre. C'est s'être contenté d'installer une caméra fixe (ou deux ou trois) et avoir "laisser filer". On savait déjà que les médias n'écoutaient pas beaucoup la radio en dehors des sacro-saintes infos, mais de là à imaginer que telle ou tel journaliste "regarde" la radio pour voir des feuilles volantes, des écrans d'ordinateurs, des mimiques plus ou moins contenues, des va-et-vient incessants dans le studio, il faudra que beaucoup d'encre ait coulé sous les ordinateurs ? Une fois encore : mais qu'est-ce que ce filmage cheap et misérabiliste apporte aux informations lues, commentées, débattues ? Rien. Où plutôt si, une image désastreuse (1) du média qui ne s'est donné les moyens, en amont, ni d'inventer une proposition audiovisuelle innovante, ni de l'éditorialiser.

Mais l'invraisemblable est à venir. Ce jeudi 21 novembre l'invité d'Yves Calvi était Claude Chirac, la fille de l'ex-président de la République. Et là stupeur pas d'image mais un écran semi-statique qui permet de savoir qu'on est sur RTL des fois peut-être qu'on s'imaginerait être sur la 5, la 6, la 7 ou la 8. Pourquoi ce jour-là Claude Chirac n'est t-elle pas filmée ? 1. Elle n'est pas en studio 2. Le son est de bonne qualité, donc elle n'est pas au téléphone. 3. On a vu Yves Calvi s'étirer dans le studio quelques instants avant que commence son interview et mieux il a pré-annoncé son invitée au micro. 4. L'enregistrement a pu avoir lieu la veille mais personne ne nous le dira. À ce moment là on a de quoi être très perplexe (2). Dans ce dernier cas, à quoi sert-elle la radio filmée ? Doit-on continuer à rester devant l'écran en assumant jusqu'au bout son choix de regarder la radio (3) ?  Même aux débuts des balbutiements de la TV dans les années 30, il est très peu probable qu'en l'absence d'image il n'y ait pas eu un carton d'excuse ou d'explication. Mais me direz-vous qu'est ce que ça peut faire cette absence d'image, puisque dans l'écran, "comme à la radio" il y avait le son ? Donc le filmage arbitraire ou aléatoire ou sélectif ou de confort ou de n'import'naouak (4) n'augmente en rien les perceptions auditives du média radio et apparaît de fait comme un gadget, une baudruche ou un projet qui fait "Pschittt".

 






À suivre dans la matinale : intervient le bateleur-amuseur Laurent Gerra (écran noir… rouge), pour qui, non plus, nous n'"avons pas l'image". Pourquoi ? 1. Il n'est pas en studio. 2. Son set est pré-enregistré sans doute le matin même. 3. Mais dans son contrat il n'est sûrement pas prévu le filmage de ses gaudrioles et encore moins sa diffusion sur Dailymotion. La tartufferie est à son comble puisqu'à nouveau il faut s'extraire de son ordinateur ou de son smartphone et "reprendre une écoute normale". En résumé, regarder la matinale RTL c'est disposer de dizaines d'informations visuelles toutes plus inutiles les unes que les autres et surtout avoir perdu l'occasion de pouvoir faire autre chose en même temps qu'écouter. Une régression totale dans la mobilité et dans la disponibilité d'esprit (5).

À part le cirage de pompe dont RTL et Europe 1 ont pu bénéficier de la part de médias complaisants, fascinés par les technologies et totalement "out" sur les contenus radio, on se demande hagards jusqu'à quand cet accident industriel va t-il durer ? La moindre innovation en télé est auscultée, disséquée, comparée, moquée, encensée, dénigrée ou adulée avec tous les excès liés au genre. Curieusement la radio semble épargnée. Pourtant ce "silence radio" a du sens : très peu d'auditeurs se sont fait piégés à "regarder la radio" (6) et les professionnels de la profession ont autre chose à faire que de regarder des images tristounettes qui bougent à peine.
(À suivre)

Merci à tous ceux qui, sur Twitter, ont abondé, en plusieurs fois 140 signes, ce débat de société. Sera t-il seulement effleuré ce jour aux "Assises de la radio" ?

(1) Pendant la pub sonore, l'image en plongée "reste" en studio… sans le son, le jeu consistant à deviner "mais qu'est-ce qu'ils peuvent bien se dire autour de la table",
(2) Alors comment vont-ils faire tous ces médias aux aguets qui ont tellement besoin d'images pour "reprendre" les informations de la radio ? Un coup d'épée dans l'eau, un…
(3) Vous pourrez ci-dessous visionner deux vidéos différentes l'une avec invité en studio et l'autre sans,
(4) Promis je ne le referai plus,
(5) Échanges dynamiques sur Twitter jeudi 21/11, suite à mon tweet "[#radio] À voir ou se faire avoir ? Au-delà de l'effet mode : la radio augmentée pour qui"?
(6) Graphique à l'appui sur Twitter @UmitPehlivan annonce +ou- 1000 spectateurs/jour pour Europe 1





2 commentaires:

  1. Expérience très significative : regarder les 2 petits bouts de "radio filmée" ... en coupant volontairement le son !

    VIVE LE SON.......SANS IMAGE !!!

    Jeanne, fan de L.O.

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  2. Rappel : pour être publiés les commentaires doivent être signés !

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